Résumé de l’éditeur :
Quand Susie Pritt est embauchée par la famille Wagner pour peindre une fresque murale pour leur fils disparu, elle comprend vite qu’il ne s’agit pas d’une banale histoire de fugue ou d’un tragique accident. Niels a disparu dans sa chambre. Depuis un an, il ne sort plus, ne parle plus ni à ses parents ni à sa soeur, ne communique plus par aucun moyen. Il est là, juste à côté, mais il vit en dehors du monde.
Hantée par ses propres démons, Susie se donne pour mission de faire revenir le jeune homme. Alors qu’ils s’apprivoisent mutuellement, ces deux êtres blessés par la vie vont s’accompagner à leur façon sur le chemin de la guérison.
Un roman sensible et bouleversant sur l’ouverture à l’autre, la résilience et la puissance de l’art.
★ Merci aux Editions Charleston pour ce SP ★
Voilà un roman qui m’a interpellé d’abord par sa couverture, elle est très belle et très parlante, et confère de suite un certain aspect psychologique à ce que va proposer ce livre. La découverte du résumé m’a alors confirmé mon ressenti et les sujets abordés m’intéressaient. Je ne fus pas déçue de ma lecture.
La narration de ce roman se fait du point de vue du personnage féminin, Susie Pritt a vingt-sept ans, c’est une artiste, elle est peintre en décoration. Son métier, c’est de peindre des fresques dans des intérieurs, une activité qui lui permet de voyager à travers ses missions, mais aussi à travers les univers que l’on lui demande de créer. La place de l’art est importante dans le récit, et j’ai été particulièrement attirée par cet aspect de l’histoire, l’auteure a su rendre à merveille cet aspect de la création et de la concrétisation d’un projet à travers ses descriptions de ces moments où Susie pratique son art. La façon dont Susie travaille et ce que cela lui procure est très bien décrit, on a réellement l’impression d’y être, de toucher ses pinceaux, de créer des couleurs pour que la fresque prenne vie devant nos yeux. Cet art est pour elle une façon de vivre, de vaincre ses démons à travers l’identification à un personnage ou à un contexte qu’elle pourrait peindre.
Susie, c’est une rescapée, elle a vécu un événement dramatique qui l’a profondément traumatisée, et à travers son personnage, on aborde alors la portée d’un choc post-traumatique. Si l’on peut en effet continuer à vivre avec un traumatisme, les troubles psychologiques tout comme les traces physiques sont un rappel constant de ce que l’on a vécu. Avec elle, nous aborderons ce thème du combat mené contre ce passé, et cette renaissance à travers un projet, un avenir et un bonheur envisagé. J’ai été très touchée par son personnage, et de constater de quelle façon, elle a eu besoin de réagir après son traumatisme est très intéressant. Susie est une jeune femme amputée d’une partie d’elle-même et c’est ainsi qu’elle devra envisager sa vie différemment d’avant. Son métier et sa rencontre avec un homme qui partage plus que cette passion pour l’art avec elle, seront la base de cette reconstruction de ce qu’elle est.
C’est lors de ses missions que Susie va faire la connaissance de plusieurs personnages. On se rend compte qu’en pratiquant son art dans des espaces privés, elle entre alors en communion avec eux, et elle se doit alors d’avoir une certaine proximité avec ses « clients » et cela afin de mieux les comprendre et pouvoir ainsi bien réaliser ses créations pour eux. Ce nouveau projet sur lequel elle va travailler, est une réalisation ambitieuse. Elle va devoir créer un univers extérieur sur les murs d’une pièce, et ce dans la perspective du retour d’un fils disparu. Un projet qui éveille la curiosité de la jeune femme sur ce fils, dont le père lui conte l’histoire d’une disparition du jour au lendemain, alors qu’il n’était âgé que de 17 ans voilà plus d’un an et demi.
Niels a en effet disparu, mais pas comme l’entendait Susie, elle se rend vite compte d’un malaise dans ce lieu, et c’est suite à quelques indices qu’elle comprendra que Niels a disparu dans sa chambre. C’est alors l’intervention de la mère de Niels qui nous permettra de comprendre ce qui vit son fils. Niels est un hikikomori, il a ressenti le besoin du jour au lendemain de s’isoler du monde, s’enfermant ainsi dans sa chambre, n’adressant plus la parole à qui que se soit et ne se montrant plus du tout aux autres. Les hikikomoris sont nombreux au Japon, se sont des personnages qui vivent retranchés chez eux, en marge de la société, un phénomène qui n’est plus cloisonné au Japon et qui apparait maintenant en France notamment. Alors un « enfant » qui s’enferme dans sa chambre est une chose, mais ici c’est ce sentiment d’avoir perdu son fils qui ressort du témoignage de la mère. Un témoignage poignant qui nous montre à quel point ses parents ont pu se sentir complètement démunis face à ce qu’ils vivent et qui n’ont que l’espoir qu’un jour leur fils leur reviendra.
Susie tout comme le lecteur ne pourra pas rester insensible à cette situation, et sa nature enjouée bien qu’elle soit plus fragilisée depuis cet événement qui a changé sa vie, la porte tout naturellement à s’adresser à Niels, et ce de différentes manières. Par le biais de la création de cette fresque pour lui, elle va finir par instaurer un dialogue avec lui et c’est là un grand pas que personne n’avait réussi à faire jusque là. L’importance de sa présence change alors du tout au tout, et si elle se doit d’aller mieux pour elle-même, elle ne peut s’empêcher d’avoir envie de le sortir de là. Nous serons alors témoin de l’évolution de la situation, nous verrons de quelle façon tout va se dérouler pour l’un comme pour l’autre. Cet espoir de vie meilleure, cette possibilité d’être de nouveau heureux et de s’ouvrir aux autres seront alors traités tout du long de ce récit.
J’ai beaucoup aimé ma lecture, j’ai apprécié ces personnages qui nous sont présentés, que cela soit Susie, très solaire malgré la part d’elle qui s’est perdue dans la face obscure que la société engendre. Elle va répandre autour d’elle quelque chose de très beau en répondant à l’attente de ses clients qui recherchent un peu de bonheur à travers ses créations, c’est très beau et c’est aussi une belle façon de montrer l’importance de l’art dans la vie de tous les jours. L’émergence du street art est un phénomène important de nos jours, il octroie un peu de beauté dans un monde très industrialisé et ici c’est dans l’intimité des gens que Susie mettra son art en pratique. Ces gens qui nous seront présentés, avec leurs caractéristiques propres. Un compagnon de route très à l’écoute de ce que vit la jeune femme, et qui se tiendra à ses côtés à chaque instant, on l’apprécie même si on en apprend que peu sur lui. Ses clients nous sont présentés, certains excentriques, d’autres plus froids, d’autres entreprenants et il y a Niels. Niels, ce jeune homme qui vit caché, et qui reflète tant l’état de beaucoup de personnes face à cette société qui est la nôtre. J’ai trouvé son personnage très intéressant, et très touchant, allié à Susie et il nous est impossible de ne pas se sentir proches d’eux.
C’est un roman superbe où il m’a été difficile de trouver les mots pour en parler, d’abord pour ne pas tout vous dévoiler de ce que l’on y lit, mais aussi car je l’ai trouvé vraiment très beau et il est parfois difficile de trouver les bons mots pour l’évoquer. Il aborde avec beaucoup de respect des thèmes forts liés à la société d’aujourd’hui, évoquant des moments douloureux qui ont eu des conséquences terribles sur bon nombre de personnes et qui parle aussi de ce phénomène très répandu au Japon, les hikikomoris. L’auteure aborde alors des sujets fascinants à lire, qui sont aussi le reflet du mal être qu’éprouvent certaines personnes vis à vis de la société telle qu’elle est aujourd’hui. Cela a aussi un côté un peu effrayant car à travers ces sujets qu’elle aborde, elle met en lumière certaines de ces choses qui n’inaugurent rien de bon pour l’avenir. C’est un très beau texte que je suis ravie d’avoir pu découvrir.
Juste à côté de moi
De Sophie Carquain
Editions Charleston
Broché 221 pages
Sortie le 12/01/2022