La sage-femme d’Auschwitz – Anna Stuart

Résumé de l’éditeur :
Lorsqu’elle arrive à Auschwitz, sous un ciel bas et gris, Ana est persuadée qu’elle ne survivra pas à l’enfer du camp. Mais elle possède une compétence que les nazis recherchent : elle est sage-femme. Son travail sera de donner naissance aux enfants des autres prisonnières. Une mission terrible car, dès qu’ils ont poussé leur premier cri, les nouveau-nés sont emmenés et donnés à des familles allemandes.Malgré la détresse de ces femmes à qui on vole leurs bébés, Ana essaie d’apporter un peu de réconfort autour d’elle. Et puis un jour, elle réalise qu’elle peut faire plus. Secrètement, elle tatoue les petits avec les numéros de déportées de leurs mères.
C’est une lueur d’espoir dans ce monde d’une infinie noirceur : et si, après l’horreur de la guerre, grâce à ce petit geste, ces enfants et leurs mères pouvaient se retrouver ?

★ Merci à J’ai Lu pour ce SP ★

Le roman est sorti en grand format à une période où je n’ai pas eu le temps de le découvrir, je profite de cette sortie poche pour le faire car il me faisait très envie. Le forme poche est d’ailleurs très sympa à lire avec une belle prise en main, la couverture reste la même que le grand format. Inspirée de faits réelles comme nous l’explique l’autrice en fin de roman, cette histoire est profondément bouleversante. On y suit tout un panel de personnages, se concentrant sur Ana mais aussi sur Ester, deux personnages qui nous permettent aussi d’avoir deux points de vue différents de la situation.

L’histoire démarre en 1939 alors que la menace de la guerre gronde, la Pologne est le premier pays ciblé par les allemands et l’action débutera dans la ville de Lodz. Nous y ferons la connaissance de plusieurs personnages qui vivent ici et vont être confrontés à l’invasion allemande. La narration à la troisième personne nous permet alors de suivre l’histoire de plusieurs protagonistes nous offrant ainsi des points de vue différents sur l’Histoire de cette lourde période. Nous suivrons alors le déroulement de cette guerre du côté des polonais mais aussi des juifs polonais, chacun d’eux vivant ainsi de façon totalement différentes à cause des lois qui vont venir régir la vie des peuples envahis par les allemands.

Ester est une toute jeune femme, infirmière qui va faire la connaissance de Filip, un imprimeur qu’elle croise le midi à l’heure du repas. Leurs premiers pas l’un vers l’autre seront timides, mignons tout comme quand une histoire d’amour démarre mais la menace de la guerre précipitera un peu les choses. Ils se marieront, fous amoureux l’un de l’autre malgré ce qu’il se passe dans leur vie. Nous ferons alors connaissance de leurs familles respectives qui seront amenées à être très proches mais plus par la force des choses. En effet les juifs vont être parqués dans un ghetto, un morceau de la ville dans lequel ils seront tous enfermés et la place venant à manquer tous se réunissent. On découvre alors les conditions de vie qui seront les leurs, alors qu’ils ont été délogés de leurs maisons pour être entassés ailleurs, loin des autres pour ne pas qu’ils se mélangent. Le récit est construit pour être évolutif dans le temps, on voit bien ainsi comment les choses se passent, comment elles changent et se dégradent. Selon les personnalités de chacun, on découvre ceux qui croient que cela va s’arranger, ceux qui ont peur et ce qui veulent continuer de lutter contre cette invasion. C’est fort intéressant de voir les réactions de chacun face à tout ce qu’il se passe, tout en constatant qu’avec le temps les choses empirent et que les conditions de vie deviennent inhumaines.

Avec Ester, nous faisons aussi la connaissance d’une sage-femme, Ana. Plus âgée qu’elle, elle a de longues années de pratiques. C’est une femme mariée, mère de trois grands enfants, elle a du caractère et elle sait s’imposer quand il le faut. Sa personnalité force le respect et elle n’hésite pas à prendre partie pour la veuve et l’orphelin, aidant tous ceux qui peuvent avoir besoin d’elle. C’est ainsi qu’elle sera amenée à aider au mieux durant cette période trouble quand personne ne savait de quoi allait être fait le lendemain. Elle continuera de pratiquer son métier et sous couvert de ce dernier, elle tentera de sauver le plus de juifs possible. Ana devient ainsi une résistante, l’une de celles qui jouera un rôle important dans cette guerre, se rendant compte que bien des choses terribles se passent et que le destin du peuple juif ne semble être guère réjouissant.

Il y a donc toute une partie de l’histoire qui nous conte ces deux femmes, Ester et Ana et tout ceux qui les entourent. Nous apprendrons tout d’eux, nous positionnant de façon à bien comprendre la place que chacun occupe dans la vie de ces deux femmes. Tout ce qu’elles vont entreprendre les mèneront toutefois dans un camps de concentration, destination inévitable et à laquelle elles ne pourront pas échapper. De Lodz à Birkenau, nous découvrons l’enfer de la vie qu’elles mèneront elles deux mais aussi d’autres femmes dont nous ferons connaissance. La narration à la troisième personne permet alors de découvrir tant de personnalités, nous apportant ainsi bien des informations sur ce qu’il a pu se dérouler. Chaque femme du camp occupe une place particulière et nous permet ainsi de comprendre comme cela fonctionne au sein de ce lieu, où les règles imposent une discipline sans faille. C’est ainsi que nous ferons la connaissance de différents profils de femmes au coeur des camps.

Si Ana est sage-femme et Ester infirmière, nous découvrirons le statut des femmes dans cette guerre. C’est ainsi que c’est l’opération Lebensborn qui sera au centre de l’histoire alors qu’elles sont internées dans un camp. En effet, les nazis ont décidé de promouvoir la race aryenne et ont souhaité « offrir » aux femmes allemandes privées de leurs maris de beaux bébés de type aryen. Toutes femmes mettant au monde un bébé blond, pâle de peau se voyaient donc enlever son bébé à la naissance et c’est Ana en tant que sage-femme qui sera au coeur de cette opération. L’atrocité de ce moment où l’on arrache un bébé à sa mère pour le confier à un peuple qui les extermine est profondément marquant, mais le destin funeste des autres bébés, ceux qui ne sont pas sélectionnés l’est plus encore. C’est alors que l’idée leur viendra de contrer cette destinée réservée à ces bébés en les marquant d’un tatouage discret, reprenant le matricule de la mère pour ainsi avoir cette chance de les retrouver après la guerre.

Le récit est passionnant, Anna Stuart nous attache d’emblée au destin de ses personnages. On se demande à chaque instant qui parmi eux s’en sortira car on sait que les ignominies des allemands pendant la guerre ont fait bien des victimes. Des histoires d’amour à la survie de chaque jour, on est embarqué dans ce qu’ils vivent au quotidien avec toujours cette incertitude quand aux lendemains. L’enfer du ghetto laisse place à l’enfer des camps, et on est témoin de ces longues années où les juifs ont été dépourvus de cette possibilité d’être libres et ils ont été confrontés à la déshumanisation de leur personne.

Ce qui fait la force de ce roman, ce sont les multiples personnalités que nous serons amenés à suivre tout en ayant un fil conducteur avec Ana mais aussi Ester. Ces deux femmes sont au centre de l’histoire et c’est à travers elles que nous apprendrons tout de ce qu’il s’est passé alors. Au début, elles étaient toutes deux différentes, l’une juif, l’autre chrétienne, cette différence étant marquée par les actes des nazis contre la population juive. Leur rencontre et l’union de ces deux femmes les conduiront dans un camp, où elles seront amenées à faire tant de choses, le destin de bon nombre de femmes et d’enfants reposera entre leurs mains.