Résumé :
« On m’a demandé un jour de définir ma douleur. Je sais dire ce que je ressens lorsque je m’enfonce une épine dans le pied, décrire l’échauffement d’une brûlure, parler des nœuds dans mon estomac quand j’ai trop mangé, de l’élancement lancinant d’une carie, mais je suis incapable d’expliquer ce qui me ronge de l’intérieur et qui me fait mal au-delà de toute souffrance que je connais déjà.
La dépression.
Ma faiblesse.
Le combat que je mène contre moi-même est sans fin, et personne n’est en mesure de m’aider. Dieu, la science, la médecine, même l’amour des miens a échoué. Ils m’ont perdue. Sans doute depuis le début.
J’ai vingt-neuf ans, je m’appelle Camille, je suis franco-belge, et je vais mourir dans trois mois.
Le 6 avril 2016.
Par euthanasie volontaire assistée. »
★ Merci aux Editions Pygmalion pour ce SP ★
☆ AVIS DE BELI ☆
Il est 2h40 du matin quand j’écris cet avis, je viens de finir ce livre qui m’attendait depuis un moment dans ma bibliothèque. Je n’ai pas souhaité le lire de suite à sa réception car je savais qu’il abordait des thèmes qui ne peuvent que toucher et c’est le genre de lecture qu’il faut être prêt à lire. Je l’ai pris plusieurs fois pour le reposer immédiatement, ça n’était jamais le bon moment. Alors oui pourquoi lire des livres qui nous mettent dans des états pas possible ? qui nous touchent au plus profond de nous ? Je ne sais pas, je ne serai pas l’expliquer. J’aime la façon dont Sophie Jomain écrit et j’avais très envie de la lire encore dans un autre genre donc c’est tout naturellement que j’ai souhaiter le lire.
C’est un coup de coeur, car il m’a touché à un point que je n’arriverai pas à retranscrire par écrit. Je me suis sentie touchée par tellement de points, me retrouvant en Camille quand on se moque d’elle et quand elle ressent ce grand vide en elle face à sa propre personne, me retrouvant dans ses parents car je suis mère et que l’idée même que mon enfant puisse décider de mourir provoque en moi une peur immense et une incompréhension totale, me retrouvant dans le Docteur Peeters qui a su être là et dans bien d’autres moments… Me retrouvant spectatrice de faits que bon nombres de jeunes personnages vivent et qui peuvent détruire quelqu’un.
Je me suis posée cette question de l’euthanasie assistée, j’y ai souvent pensé quand il s’agissait d’une maladie qui fait souffrir tel un cancer mais je n’ai jamais pensé à cet aspect de la maladie : la maladie psychologique, cette détresse qui empêche quelqu’un de vivre. Il n’est pas question ici de dire que l’on est pour ou contre, ça n’est absolument pas un débat, mais Sophie Jomain a su nous en parler de façon bouleversante et magnifique, nous permettant de connaitre Camille et de comprendre le mal être qu’elle ressent pour pouvoir l’accompagner dans sa décision.
Elle nous la présente en jeune adolescente et on voit les prémices des premières remarques qui peu à peu vont forger l’opinion qu’elle a d’elle même, oh peut être y-a-il eu avant ça d’autres choses qui peuvent être considérées comme le commencement mais nous apprenons à la connaitre à partir de ce moment-là. Cette jeune fille intelligente et brillante va essayer de faire abstraction de ces remarques mais elle va très vite utilisée ce corps qu’elle déteste tant pour tenter d’apaiser sa souffrance et elle tombera ainsi dans une sorte de spirale infernale qui va durer des années, durant lesquelles elle va beaucoup souffrir, ne se sentant pas comprise.
A l’approche de la trentaine, elle prendra la décision de demander l’euthanasie volontaire assistée qui se pratique en Belgique. Le lecteur l’accompagne lorsqu’elle choisit de « vivre » ses derniers mois dans un institut, accompagnée de médecins.
Il est étrange d’avoir cette petite étincelle tout du long de la lecture qu’elle pourrait changer d’avis, en fait non ça n’est pas étrange, c’est plutôt humain d’imaginer que l’amour quelque que soit la forme qu’il puisse prendre, permettre de donner envie à Camille de vivre, parce que la mort n’est pas censée être provoquée et pourtant il semblerait qu’elle ne se soit jamais sentie si bien qu’une fois que celle-ci approchait. Et ce malgré le fait qu’elle avait des personnes qui l’aimaient autour d’elle, mais cela ne suffisait pas.
Une lecture qui vous chamboule tellement elle est vraie, tellement elle touche. C’est impossible d’y rester insensible et il est très difficile de trouver les mots qui peuvent exprimer ce que l’on ressent alors. Je sais que quand je l’ai commencé, je n’ai pas pu m’arrêter pour différentes raisons : la première étant que je ne me sentais pas le droit de laisser Camille pour faire une pause, je me devais de l’accompagner, la deuxième était que si je faisais cette pause dans ma lecture, je ne sais pas si j’aurai eu le courage de le reprendre tellement elle est bouleversante.
J’ai croisé Sophie Jomain au salon de Saint-Maure en poche il y a peu et je regrette de ne pas avoir lu ce livre avant car j’aurai beaucoup aimé en discuter avec elle. Elle a certainement répondu à bons nombres de questions sur celui-ci, je n’en ai rien lu car je souhaitais le découvrir sans en avoir rien su avant mais aujourd’hui alors qu’elle est intarissable sur ses écrits et que l’on peut aisément discuter avec elle à ce propos, c’est de ce livre-ci que j’aimerai parler avec elle.
Au delà d’aborder des sujets touchants (le mot est faible), j’ai souris, j’ai pleuré bien entendu, j’ai aimé voir l’amour, l’amitié, les petits bonheurs, les déceptions. J’ai ressenti tellement d’émotions qu’après avoir pleuré, je souris en écrivant cet avis et je ne regrette pas d’avoir lu ce livre très beau porteur de tant de messages.
« Quand la nuit devient jour » de Sophie Jomain
Editions Pygmalion le 27/04/2016 : 238 pagesNOTE : 5/5